1759… une grosse année! Un peu d’histoire

Le début de l’année est marqué par le retour de la comète Halley, une année qui s’annonce pleine de bouleversements!

  1. Un peu d’histoire en dehors de notre histoire!
  2. Pointe-Lévy au cœur de l’action
  3. Reddition de la Nouvelle-France
  4. La vie à Pointe Lévy durant cette période

Un peu d’histoire en dehors de notre histoire!

Voyons ce qu’en dit J. Edmond Roy dans son Histoire de la Seigneurie de Lauzon:


L’année précédente, en 1758, l’Angleterre avait pris la décision de mettre fin à la guerre des Amériques. Trois armées formidables furent mises en campagne. Le général Prideaux s’avançait vers les lacs pour couper toute communication de la Nouvelle-France avec la Louisiane. Le général Amherst avait l’ordre de marcher sur Montréal par le lac Champlain et la rivière Richelieu. Le général Wolfe devait se porter sur Québec par le fleuve Saint-Laurent. Le mot d’ordre était : Le drapeau anglais sur toutes les villes et tous les forts français de l’Amérique. En vue de ces immenses préparatifs, le gouverneur français de Vaudreuil fit faire dans l’automne de 1758 le dénombrement des hommes de la colonie en état de porter les armes : il s’en trouva 15,000 de l’âge de 16 à 60 ans. Les troupes régulières se montaient à 5,300 hommes seulement. A cette poignée de colons, l’Angleterre opposait 60,000 hommes.

Bougainville, qui avait été envoyé en France à la fin de l’été de 1758 pour y implorer des secours, revint à Québec le 10 mai 1759 pour apprendre aux autorités de la colonie qu’elles étaient abandonnées à leurs seules ressources.

Dès le mois de février, le peuple avait été prévenu de l’orage qui allait fondre sur lui, et des prières publiques avaient été ordonnées dans toutes les églises de la colonie.

Dans toutes les campagnes, le premier dimanche de chaque mois, il se faisait une procession solennelle.

Dès le commencement du mois de mai, des officiers de la colonie reçurent ordre de se rendre sur les deux rives du fleuve afin de contraindre les habitants à se retirer dans les bois avec leurs femmes et leurs enfants, à l’approche de l’ennemi. Ils y devaient conduire aussi leurs bestiaux et leurs vivres afin de priver l’envahisseur de tout approvisionnement. C’est alors que l’île d’Orléans, l’île aux Coudres et toutes les campagnes depuis la baie Saint-Paul et la Rivière du Loup jusqu’à Québec furent évacuées. Les habitants de l’île d’Orléans se réfugièrent à Charlesbourg, ceux de l’île aux Coudres s’enfoncèrent sous les forêts primitives qui couronnaient alors les derrières de la baie Saint-Paul. La côte de Beaupré et les fertiles campagnes du sud se trouvèrent tout-à-coup abandonnées comme par enchantement. Les temples étaient vides et sans pasteur, les foyers étaient déserts. Pendant toute la campagne qui dura cinq longs mois, nos ancêtres durent vivre de la vie sauvage, isolés de tous, sans cesse en alerte.[1]

Pointe-Lévy au cœur de l’action

On vit les premiers signes concrets de l’invasion par les Anglais au mois de mai.

Les hauteurs de Pointe-Lévy jouèrent un rôle stratégique et tactique dans le déroulement des combats opposant Français et Anglais.

Les colons de la Pointe de Lévy firent leur part pour essayer de chasser les Anglais. Voici un condensé d’une partie de cette histoire, tiré de l’Histoire de la Seigneurie de Lauzon, de J.E. Roy.

Le 20 mai, cinq vaisseaux arrivaient en rade de Québec. Les capitaines rapportèrent qu’ils avaient eu connaissance de 10 bâtiments mouillés au Bic, mais que le mauvais temps et la brume les avaient empêchés de connaître s’ils étaient de guerre ou marchands.

Cette même journée, le gouverneur de Vaudreuil adressa une circulaire à tous les capitaines de milice pour leur enjoindre de tenir leurs compagnies prêtes à marcher au premier ordre. Chaque homme devait porter des vivres pour six jours. On vit alors des enfants de douze ans et des vieillards de quatre-vingt s’enrôler volontairement.

Le 25 juin, la première division de l’escadre anglaise atteignait l’île d’Orléans.

L’escadre anglaise rallia graduellement, en face de Saint-Laurent, puis Wolfe débarqua environ 5000 hommes de son armée sur l’île d’Orléans qui venait d’être évacuée par les Canadiens. Le 27 juin, au matin, par un temps très beau et très calme, un vaisseau de 60 pièces de canon et deux frégates vinrent jusqu’à la pointe de Lévy qu’ils dépassèrent, après avoir reconnu la rade et la position de l’armée française, puis ils regagnèrent le gros de la flotte qui était ancrée à l’endroit que l’on appelle encore de nos jours le trou Saint-Patrice.

On était au dernier jour de juin, Monckton venait de débarquer à Beaumont avec ses troupes.

Il avait avec lui sa brigade presque au complet, sans compter l’infanterie légère et une compagnie de chasseurs, les féroces Rangers, qui battaient la marche. Sur l’heure du midi, le 30, la brigade se mit en route vers Pointe-Lévy. La colonne composée de près de 2,000 hommes s’avançait sur la grande route comme à la parade. Au milieu de tous on pouvait distinguer les 700 montagnards écossais de Fraser par leur haute stature et leur air martial.

Échelonné en tirailleurs derrière les touffes d’arbres ou les replis du terrain, le détachement de M. de Léry, un officier des troupes de la colonie, auquel s’étaient joints quelques sauvages, essaya en vain d’inquiéter la marche des Anglais.

L’ennemi était arrivé à quelques arpents de l’église de Saint-Joseph-de-la-Pointe-de-Lévy, à un endroit où la route, coupée par un ruisseau, est dominée par une chaîne de rochers à pente raide, quand soudain, un éclair illumina le chemin et un coup de feu retentit. Deux officiers des montagnards, altérés par la longue course du matin, s’étaient penchés au bord du ruisseau pour y puiser un peu d’eau. Le premier tomba comme une masse, sans pousser un seul cri, mortellement atteint. Le deuxième n’eut pas le temps de se rendre compte de ce qui venait de se passer; un second éclair brilla et un second coup de feu, l’atteignant au front, le jeta sanglant sur le cadavre de son ami.

Puis, du haut des coteaux boisés qui dominent encore les derrières de la Pointe de Lévy, au village de Lauzon, ce fut un feu nourri, incessant, dru comme grêle…

Monckton avait laissé une arrière garde de 250 hommes dans l’église de Beaumont pour protéger sa retraite. Il la fit mander en toute hâte…

Le renfort, demandé par Monckton, arriva à la pointe de Lévy, entre les cinq et six heures du soir, au moment où l’action était le plus chaudement engagée. Les tirailleurs invisibles avaient concentré la résistance sur trois points principaux. Un groupe combattait sous bois, à la crête de la falaise rocheuse qui domine le village ; un autre s’était barricadé dans le presbytère ; un troisième, enfermé dans l’église, faisait du haut des fenêtres un feu plongeant.

Monckton, désespérant de franchir ce défilé de face, donna l’ordre au gros de ses troupes de pivoter sur la droite de façon à gagner les bords du fleuve hors de portée de la mousqueterie d’enfer qui décimait le front de bandière et le flanc gauche de sa colonne. Pendant que les montagnards écossais escaladaient les hauteurs sur la gauche, Monckton lui-même à la tête des grenadiers s’avança résolument sur l’église et les maisons qui l’environnaient. On parvint à déloger les tirailleurs de leurs positions, mais leur résistance courageuse et opiniâtre coûta cher aux Anglais.

Écrasés par le nombre, ces braves gens cédèrent le terrain pas à pas, emportant avec eux dans les bois leurs morts et leurs blessés.

Le combat du 30 juin avait été si opiniâtre, si acharné, que les officiers anglais qui y prirent part supputant, le soir même, aux lueurs des feux de bivouac, quel pouvait avoir été le nombre des assaillants, le mettaient au bas mot à mille, dont six cents soldats de troupe régulière.

Pour dire la vérité, Monckton et ses deux mille soldats n’avaient eu affaire qu’à une poignée de colons, cinquante tout au plus, armés de mauvais fusils de chasse, auxquels vinrent se joindre vers la fin de l’engagement deux à trois cents sauvages.

Mais ces colons étaient commandés par un zélé patriote, un homme hardi et entreprenant, qui s’attira par sa bravoure l’admiration même des Anglais. Ce conscrit de la dernière heure n’était autre qu’Etienne Charest, le seigneur de Lauzon. Charest n’avait pas été élevé dans les camps. Il ne connaissait point l’art de la guerre. Né dans le pays, allié aux meilleures familles de la colonie, il ignorait les jalousies des traîneurs de sabre et les mesquines intrigues de fonctionnaires intéressés à tout perdre pour sauver leur fortune mal acquise. Charest, prosaïque négociant, riche de biens de famille honnêtement acquis dans un labeur incessant, combattait avec ses censitaires, simples paysans, pour la patrie : « pro aris et focis. Ce fut le secret de la valeur de ces braves gens.[2]

« Fort d’une armée de 8 000 hommes et d’une flotte composée de 40 vaisseaux de
guerre, de 80 navires de transport et de 60 autres bateaux, le plan du major général James Wolfe était de débarquer sur la rive sud et d’occuper les hauteurs de Pointe-Lévy dans le but de bombarder Québec.

Le 30 juin, les troupes britanniques sous le commandement du général Robert Monckton et du lieutenant-colonel Ralph Burton s’installent sur les hauteurs de Lévy. Monckton érige des avant-postes à Pointe-Lévy et Wolfe, qui le rejoint le 1er juillet, y déploie des batteries de canons de fort calibre, des redoutes, des retranchements et des camps militaires.

Le 5 juillet, le 48e régiment, commandé par le général Burton, se retranche sur le futur emplacement de l’église Notre-Dame-de-la-Victoire (aujourd’hui l’église Notre-Dame de Lévis).

Une semaine plus tard, le 12 juillet, avec 29 pièces d’artillerie déployées sur les hauteurs de Pointe-Lévy (le long de la falaise, sur le site actuel du couvent de Lévis) les batteries anglaises commencent le bombardement de Québec. Il se poursuivra jusqu’en septembre, causant de lourds dégâts à la ville désertée par ses citoyens. Le 13 septembre, les troupes anglaises débarquent à l’anse au Foulon pour livrer leur dernier assaut sur les plaines d’Abraham. »[3]

Plan of the military and naval operations, under the command of the immortal Wolfe…
https://iiif.lib.harvard.edu/manifests/view/ids:7931989

… et on connait la suite!

Wolfe et Montcalm perdirent tous les deux la vie lors de cette bataille.

Le corps de Wolfe fut déposé dans l’église Saint-Joseph de la Pointe-Lévy pendant quelques heures entre le 13 et le 14 septembre. L’église avait été réquisitionnée par les Britanniques à titre d’hôpital militaire. On procéda à l’embaumement de Wolfe sur place et le corps fut déposé dans un tonneau de rhum pour être conservé, afin d’être rapatrié en Grande-Bretagne. Le 14 septembre 1759, à 11h00 du matin, le corps embaumé de Wolfe fut transporté à bord du navire amiral, le Royal William, pour être rapatrié à Londres.[4]

Le marquis de Montcalm, blessé, avait été transporté dans une maison de Québec. Il meurt, à l’aube, à cinq heures du matin, le lendemain 14 septembre. Quand on lui indique qu’il ne lui reste que quelques heures à vivre, il répond : « Tant mieux, je ne verrai pas les Anglais dans Québec. »

Reddition de la Nouvelle-France

Pendant presque un an, les troupes françaises, menées par le chevalier de Lévy, entre autres, essayèrent de repousser les Anglais. Mais à l’été 1760, les troupes de Murray quittaient Québec en direction de Montréal, pour rejoindre les troupes du général Amherst qui avançaient du sud.

Le 6 septembre, tous conviennent que l’intérêt général de la colonie exige que les choses ne soient pas poussées à la dernière extrémité. Vaudreuil soumet à Amherst un projet de capitulation visant à protéger les intérêts des Canadiens. Ce n’est pas seulement Montréal qui capitule, mais c’est tout le Canada qui est concerné par la signature du gouverneur général.[5]

La guerre fait toujours rage entre les Anglais et les Français en Europe. Ici, les Anglais prennent le contrôle… tout en attendant l’issue de la guerre européenne!

La vie à Pointe Lévy durant cette période

Tous les hommes âgés de 15 à 60 ans avaient été identifiés comme pouvant porter les armes… Il y avait cependant beaucoup plus de femmes que d’hommes dans les descendants de Jacques!

Les fils de Jacques étaient ou décédés ou trop vieux pour porter les armes. Néanmoins, il y avait six petits-fils, en âge de défendre la patrie dont Étienne, 39 ans, Joseph, 34 ans et Ignace, 30 ans, les fils d’Étienne, et trois de leurs cousins. Plus tous les beaux-frères des filles et cousines mariées, soit plus d’une vingtaine.

On ne sait pas s’ils ont pris les armes, cependant, comme on l’a vu plus haut, on sait que lorsque les Anglais se sont installés à Lauzon, les habitants avaient déjà quitté leurs maisons.

C’est à cette époque qu’on perd la trace d’Étienne, le père. Il serait mort à l’âge d’environ 71 ans. Est-il mort à cause des combats, des conditions de vie difficiles, de maladie ou tout simplement de causes naturelles, on ne le saura pas.

À la Pointe de Lévy, les Anglais avaient « enlevé tout le bois aux maisons pour en faire des planchers dans les tentes » et mis le feu aux ruines. Lorsque les habitants revinrent au milieu de l’hiver, leurs maisons étaient inhabitables. Et on imagine qu’il ne devait plus rester grand-chose de celles de Joseph et Etienne, qui étaient situées en plein dans la zone occupée l’été précédent par l’armée anglaise.

Cependant, il fallait bien vivre. En février, les habitants de onze paroisses firent soumission à l’envahisseur et prêtèrent serment de fidélité.

À la Pointe de Levy, le capitaine Saint-Martin, avec quelques soldats et habitants de la région, tenait encore tête aux Anglais. Le 13 février, le pont de glace était établi entre les deux rives. Le major Dalling, avec une troupe d’infanterie de 200 hommes, traversa le fleuve et réussit à chasser les troupes de Saint-Martin qui occupaient l’église et le presbytère… qui passèrent sous le contrôle de Anglais. Quatre cents soldats furent chargés de défendre ce poste avancé.

Est-ce que les Samson purent revenir sur leurs terres en hiver? On peut en douter considérant toute l’activité militaire en cours et les tensions dans le secteur. Probablement plus au printemps ou à l’été, à temps pour faire les semis, j’espère!

Graduellement, une certaine paix s’établit. Murray veut assurer la discipline et le respect de l’autorité.

Point de relâche dans ladite discipline! Un soldat, pour avoir volé dans la maison d’un Français, est condamné à mort et exécuté. Un autre, trouvé coupable d’avoir usé de l’autorité du gouverneur pour en imposer à un Français, est condamné à recevoir 800 coups de fouet.[6]

Le 29 mai 1760, le meunier Joseph Nadeau est pendu, sous les ordres de Murray. Le capitaine John Knox indique dans son journal : « Un individu originaire de la paroisse de Saint-Michel a été pendu hier, devant ses concitoyens, pour avoir mis toute son énergie à inciter ses compatriotes à la révolte et pour avoir amené des membres de la compagnie de milice dont il était le capitaine à joindre l’armée française ». Bravant les restrictions en place, Nadeau aurait fourni du pain aux habitants de la région et participé probablement à quelques attaques contre l’occupant. Il fut pendu à la vergue de son moulin, non loin de l’église de Saint-Charles et son corps exposé pendant plusieurs jours à la vue de tous!


[1] (Roy J. , Histoire de la seigneurie de Lauzon, vol. 2, 1898, pp. 265-267)

[2] (Roy J. , Histoire de la seigneurie de Lauzon, vol. 2, 1898, pp. 268-283)

[3] Tiré Pointe-Lévy 1759 (google.com)

[4] Tiré de Lévis — Wikipédia (wikipedia.org)

[5] https://id.erudit.org/iderudit/86742ac

[6] (Roy J. , Histoire de la seigneurie de Lauzon, vol. 2, 1898, p. 323)

Laisser un commentaire