- Cultivateur, marchand, aubergiste…
- Des dettes, des dons, des ventes…
- 1862, on perd la terre familiale.
- 1863, sans l’avoir vraiment quittée !!!
- 1864, on retrouve la terre
- Un aperçu de ce coin de paroisse.
- Mais où vivaient tous ces Samson?
- La suite
Cultivateur, marchand, aubergiste…
Revenons à nos Samson.
Deux Jean-Baptiste, quelques Joseph, plusieurs actes, cartes et autres documents qui s’entremêlent. Parfois, on mentionne l’épouse, parfois un métier, une profession.
C’est durant cette période qu’on passera, chez les Samson, de cultivateur à marchand et aubergiste, eh oui!
Joseph, le grand-père était cultivateur.
Jean-Baptiste, le père, celui né en 1797, est identifié comme cultivateur sur certains actes de baptême de ses enfants, dont le dernier en 1839. Ensuite, rien sauf au décès de son épouse où il est identifié comme ancien marchand, lui qui était décédé depuis 11 ans. Donc, marchand à son décès en 1868.
Jean-Baptiste, le fils, né en 1823, est aubergiste lors de son mariage en 1845, au baptême d’Octave en1846, mais marchand en 1848 au baptême de Jean-Baptiste et cultivateur au baptême d’Henriette en 1855. Marchand en 1867 au mariage de Joseph, mais cultivateur au recensement de 1881! Une vie de changement…
Édouard, le deuxième de la famille, frère de JB 1823 est d’abord boulanger, navigateur en 1855, marchand en 1856, charretier au recensement de 1871 et marchand à celui de 1881.
Charles, le frère cadet de Jean-Baptiste 1823, l’oncle d’Octave, mon arrière-grand-père, est identifié comme marchand au recensement de 1881 et Octave, lui est marchand au recensement de 1891.
On voit que dans la famille, on passe de cultivateur à marchand vers les années 1845-1848.
Des dettes, des dons, des ventes…
Pourquoi tous ces questionnements sur qui fait quoi?
On retrouve le nom d’un Jean-Baptiste Samson comme aubergiste sur des demandes de cautionnement pour opérer une auberge ou de licence pour opérer une taverne plusieurs fois de 1841 à 1848. En mars 1847, on trouve le cautionnement de Jean-Baptiste Samson, fils, Jean-Baptiste Samson, père et Francois Bourget pour obtenir une licence d’aubergiste. La même journée, on confirme le nom de ceux qui peuvent opérer une taverne pour cette année-là ; 23 personnes en tout dont Jean-Baptiste Samson et Pierre Lecours dit Barras. Retenez ce dernier nom, mon petit doigt me dit que le monde des aubergistes et des tenanciers de taverne devait être particulier.
En 1858, la Cour des sessions générales de la paix émet un certificat de maladie pour Jean-Baptiste Samson, marchand, pour incapacité de vaquer à ses propres occupations. Lequel, le père ou le fils? J’opterais pour le père. Avait-il des dettes à rembourser, une façon de prouver qu’il ne peut subvenir à ses besoins, une façon de ne pas s’acquitter de ses obligations?
En mars 1859, un jugement de la cour supérieure condamne Théodore Bégin, le gendre, époux d’Euphrosine et Édouard Samson, le fils de Jean-Baptiste, à rembourser une dette de 50 Louis à Jean Guay et Émilie Guillemette. Deux ans auparavant, en janvier 1857, ces deux mêmes larrons avaient emprunté 300 louis à Thomas Fraser et garanti le tout par une terre située près de celle de Jean-Baptiste. Il semble être très courant à l’époque d’emprunter d’une autre personne en hypothéquant une de ses terres, parfois pour de petits montants, 25 piastres ou de plus gros, 300 Louis.
Le 2 janvier 1861, devant le notaire Charles Bourget[1], Jean-Baptiste et Euphrosine font don à Charles de deux lopins de terre que je situe entre l’église et la terre de Jean-Baptiste, celle d’un arpent et demi! Elle avait été acquise de Thomas Samson le 1er juin 1832[2] et un autre lot au second rang, ½ arpent sur 6 ou 7 de profond, borné au nord à Jean-Baptiste, au sud au 3e rang, au SO à Jean-Baptiste et au NE à Norbert Charest.
C’est presque leur testament, car ils donnent tout à Charles. Entre autres, une somme de 83 Louis, 6 chelins et 8 deniers qui représente le capital d’une rente annuelle de 5 Louis que le marchand John Guilmour doit payer comme loyer pour une portion de lot attenant au fleuve (que Charles résiliera en 1869). Ils donnent aussi tous leurs meubles et effets mobiliers, mais se réservent à titre de constitut et de précaire, toute leur vie durant, ceux dont ils pourraient avoir besoin ou qu’ils voudraient garder pour leur usage propre ; en clair, ils ont accès à tous leurs biens, mais n’en sont plus propriétaires. Mais Charles a des obligations : les loger, chauffer, éclairer, nourrir, vêtir, soigner comme lui d’une manière convenable tant et aussi longtemps qu’ils s’accorderont bien ensemble ; il devra aussi soigner les donateurs tant en santé qu’en maladie, quérir le médecin, en payer les frais, appeler le curé au besoin ; les mener partout où ils le désireraient et les ramener ; leur payer annuellement une somme de 12 Louis et 10 chelins comme supplément de rente et de pension. Le pauvre Charles devra aussi entretenir proprement, convenablement et bien chauffer le logement des donateurs ; il devra entretenir leur lit proprement, de draps et couvertes, leur table de nappes. Bref, en prendre soin.

La même journée, son fils Louis et Marie Lecours dit Barras rédigent leur contrat de mariage devant le notaire Charles Bourget[3]. JB et Euphrosine leur font don d’un demi-arpent de terre de front sur 40 de profond, borné au sud au chemin public du second rang, au NE au donateur et au SO aux héritiers de Pierre Bégin, avec maison et grange dessus construites.
Et finalement, le 8 juin 1861, Jean-Baptiste père vend à Jean-Baptiste fils une terre, sur le premier rang, d’un arpent moins 7 pieds de front sur 12 arpents de profond bornée au sud au chemin public et au nord à Allan Guilmour et cie (qui louait une portion le long du fleuve). JB Fils doit rembourser la dette due par Thomas Bégin et Édouard Samson contracté envers Thomas Fraser en 1857, dette dont Jean-Baptiste père s’était porté garant. Thomas Fraser accepte d’arrêter les procédures qui étaient pendantes devant la Cour du Québec.[4] Cette terre est probablement située entre les terres de Jean-Bpte père et l’église, une des terres détenues par Thomas, un des descendants d’Étienne.
1862, on perd la terre familiale.
Mais ça ne devait pas être la seule cause devant la cour… Est-ce la raison de toutes ces ventes et donations? Pour ne plus rien posséder…?
À cette même époque, Pierre Lecours dit Barras (celui qui opère une taverne) intente une poursuite contre Jean-Baptiste Samson, marchand, Édouard Samson, navigateur et Théodore Bégin, navigateur. Il semble bien que ce soit les deux mêmes, le fils et le gendre et Jean-Baptiste, père. Pour quelle raison cette poursuite, je n’ai pas encore trouvé, mais je soupçonne encore une dette non remboursée.
Semble-t-il qu’ils aient perdu, car le 15 janvier 1862, le shérif procédait à la vente aux enchères, à la porte de l’église, de la terre et des bâtiments leur appartenant, à savoir une terre de 1 ½ arpents par 40 bornée d’un côté par Pierre Bégin et de l’autre par Amable Samson. L’acheteur est François Côté, boulanger, de la paroisse Notre-Dame de la Victoire. La terre sur laquelle les Samson vivaient depuis 100 ans venait d’être vendue.
15 January 1862… at the suit of Pierre Lecours Barras, of the parish of ND de la Victoire, navigator against the lands and tenants (?) of Theodore Bégin and Edouard Samson, both navigators, residing in the parish of ND de la Victoire, and JB Samson of Pointe Lévy, merchant… I, the said sheriff, did proceed to the sale and adjudication of the herein after described property as belonging to the said Jean-Baptiste Samson, to which a land situated in the parish of St-Joseph of pointe Lévi, first range, containing one arpent and a half in front by forty arpents in depth, joining toward the north to the top of the hill, and towards the south to the end of the said depth, on one side towards the north east to Amable Samson and to the other side toward the south west to Pierre Bégin with the buildings therein erected, circumstances and dependencies… and proclaimed at the church door of the parish of St Joseph Pointe Lévi to be sold and adjudged to the highest bidder… on the 25 day of February 1862… François Côté, of the parish ND de la Victoire, Baker, being the last and highest bidder, become the purchaser therefor at the price of 638 pounds, current money of Canada.[5]
1863, sans l’avoir vraiment quittée !!!
Ce Jean-Baptiste a probablement une tête de cochon, car même si la terre a été vendue, ils n’ont pas déménagé! Le 18 avril 1863, Jean-Baptiste et Euphrosine concluent « marchés, accords et conventions » avec François Côté, maitre boulanger afin que celui-ci puisse prendre ses droits sur la terre. Jean Baptiste et Euphrosine devront quitter les lieux le 1er mai ; Charles Samson et Guillaume Lamontagne s’engagent à ce que ce soit exécuté, sinon ils seront responsables des dépens et dommages. Tous les enfants renoncent, avec leur mère, au douaire qui aurait pu être exigé en fonction du contrat de mariage. Et tous signent, sauf ceux qui ne savent, soit Jean Baptiste, Euphrosine et François Coté.[6]

Et ce n’est pas fini. Le 24 septembre 1863, Jean Baptiste vend une terre située au 2e rang à Charles pour la somme de 200 Louis, somme que Charles s’engage à remettre à Thomas Fraser pour rembourser la dette qui avait été contractée par Edouard et Thomas Bégin en 1857[7]… Dette qui avait été partiellement ou aurait dû être remboursée par Jean-Baptiste, fils, en 1861. Tous ces montants non remboursés à Thomas Fraser, à François Côté. Jean-Baptiste semble être dans le trouble, Charles, lui, celui qui est solvable, le plus crédible.
1864, on retrouve la terre
Finalement, en 1864, Charles, marchand, rachète la terre familiale détenue par François-Xavier Coté, qui en a hérité de son père François. C’est la terre de 1 ½ arpents par 40 qu’on connaît, avec à l’ouest, Pierre Bégin et à l’Est, c’est maintenant Guillaume Lamontagne. À noter qu’il y a des locataires des maisons sur la terre et que Charles pourra percevoir les loyers, mais ne devra pas les troubler[8]!
François-Xavier Coté demeurant au Village de Bienville, boulanger lequel a par ces présentes vendu, cédé, transporté et abandonné dès maintenant et à toujours et promet, garanti de toutes… troubles et empêchements généralement quelconques à Sieur Charles Samson, demeurant en la paroisse St Joseph de P.Lévy, marchand, à ce présent et acceptant acquéreur, pour lui, ses hoirs et ayant cause à l’avenir à savoir une terre située en ladite paroisse de St Joseph de Pointe Lévy, premier rang contenant un arpent et demi de front sur quarante arpents de profondeur plus ou moins bornée au Nord à la cime du Cap et au Sud au bout de ladite profondeur joignant d’un côté avec le Nord à Guillaume Lamontagne et de l’autre côté le Sud-Ouest à Pierre Bégin avec les bâtisses dessus érigées circonstances et dépendances tel que le tout actuellement sans aucune réserve… déclare que l’immeuble sus vendu appartient pour l’avoir acquis en sa qualité d’héritier de feu François Coté son père… et au dit François Coté, le dit immeuble appartient suivant titre du shérif du district de Québec le trente et un Mars mil huit cent soixante et deux… Ledit vendeur aura le droit d’enlever comme sa propriété tout le foin la planche et le bois qu’il y a dans la grange ainsi que les ??? et aussi la huche qu’il y a dans la boutique … le dit vendeur se réserve le droit d’enlever la quantité d’environ cinquante cinq voyages de bois de chauffage qui sont buchés actuellement sur ladite terre… il est aussi convenu entre les parties que les dits acquéreurs ne troubleraient pas les locataires de maisons qui existent sur ladite terre... Cette vente est faite pour le prix de 3000 piastres en argent courant que le dit acquéreur promet et s’oblige de payer par paiements égaux et annuels de trois sommes de douze (??) cents piastres avec intérêt de 6% par année.
Une longue histoire, mais cent-six ans après son achat par Joseph, en 1758, la terre est revenue dans le giron familial.
Charles a 25 ans, Jean-Baptiste, fils, 41 ans et Jean-Baptiste, père, 67 ans.
Un aperçu de ce coin de paroisse.
Voici à quoi ressemblait le coin tel qu’illustré sur ce Plan of Point Levis Canada East, relevé par le lieutenant H. S. Sitwell en 1864-5.

En rose, à droite de la carte, on peut voir l’église, le couvent Jésus-Marie, le presbytère et au nord de l’église, l’école qui a évolué jusqu’à celle que j’ai fréquentée, probablement Louis aussi!
On voit les rues d’aujourd’hui : la rue Saint-Joseph, la rue Mgr Bourget, la rue Jolliet qui descend vers la grève. En noir, une échelle de distance par tranche de 200 pieds. La terre de Charles, le nouveau propriétaire, débute au 0 et mesure 1 ½ arpents, soit environ 270 pieds. Les deux lignes parallèles en noir délimitent la terre qui allait du fleuve jusqu’au premier rang, l’actuel Chemin des forts.
Sur l’agrandissement de cette carte plus bas, on voit la chapelle Sainte-Anne qui aide à nous situer. La maison en jaune qui lui fait face est celle qui a précédé notre maison du 227 Saint-Joseph, car elle ne semble pas sur la ligne de terrain, ou bien c’est une partie de notre ancienne maison. Pour ceux qui se souviennent, dans la cave, il y avait une fondation bizarre sur le côté ouest, provenant peut-être de cette bâtisse. La rue Sainte-Catherine, qui s’est appelée rue Samson pendant un certain temps, n’est pas encore tracée.
Deux bâtiments de ferme en brun, le plus grand est une grange[9], une autre maison en jaune à l’Est et des maisons de l’autre côté de la rue, probablement les locataires!

Mais où vivaient tous ces Samson?
En consultant quelques recensements et documents, on peut en apprendre un peu plus sur la vie de la famille, qui vivait avec qui, leur richesse…
En 1861, on voit que toute la famille vit à Lauzon, sauf Euphrosine… et Edouard qu’on ne retrouve pas sur le recensement!
Jean-Baptiste, cultivateur, 62 ans, vit toujours avec Euphrosine, 60 ans et Charles, marchand, 22 ans, partage le même foyer. Jean-Baptiste a une terre de 40 arpents, mais aucun animal ; il y a deux maisons en bois sur le terrain, de 1 étage et on indique 3 familles y vivant!
Charles vend de la « marchandise sèche », donc un marchand général sans nourriture ou peut-être vêtements? La valeur des marchandises s’élève à 1200 $.
Juste avant sur la liste du recensement, on trouve Louis Samson, 26 ans et Marie Lecours, 24 ans, qui ont deux enfants de 2 et 1 an. Ils possèdent une terre de 20 arpents, 1 cheval, deux vaches et un cochon. Il est charretier et possède 4 voitures de louage d’une valeur de 176 $. Ils vivent dans une maison en bois, d’un étage et y logeraient 2 familles! C’est la terre qu’ils avaient reçue à leur mariage, quelques mois auparavant.
Jean-Baptiste, 38 et Henriette, 39, ont quatre enfants : Octave, 15 ; Joseph, 13 ; Joséphine, 10 ; Delima, 6. Seuls Joseph et Joséphine vont à l’école, probablement qu’Octave, à 15 ans, est plus utile sur la terre et au magasin. Pas d’animaux, une maison de 1 étage en bois, sur une terre de 38 arpents. Marchand, il tient une « grocerie » et a un inventaire en marchandise de 250 $. On se rappelle qu’en juin de cette même année, il avait acheté de son père une terre d’environ 12 arpents, donc il aurait au moins deux terres.
Théodore Samson, marchand, 28 ans, est marié avec Éléonore Guay, 27. Ils possèdent un cheval, une vache, un mouton, deux cochons, le tout évalué a 112 $ ; ils ont aussi 5 voitures de louage, évaluées à 120 $. Ils demeurent dans une maison en bois de 1 étage, abritant deux familles, sur un lot de ¼ d’arpent.
Théodore Begin et Euphrosine Samson, eux, vivent dans la paroisse Notre-Dame-de-la-Victoire, dans une maison de 1 étage, avec deux enfants de 9 et 7 ans ; ils hébergent Marguerite Samson, une veuve de 56 ans.
La suite
Jean-Baptiste et Henriette vivront avec Délima / Delvina[10] probablement jusqu’à leur décès en1892 et 1897. Dans le recensement de 1901, on voit que Delvina partage la demeure d’Octave.

Jean-Baptiste décède le 12 aout 1892, à l’âge de 68 ans et dix mois et est inhumé le 14 dans le cimetière de Saint-Joseph de Lévis ; Henriette décédera cinq ans plus tard, le 25 mai 1897, à l’âge de 74 ans et sera inhumée elle aussi au cimetière après trois jours, probablement exposée à la maison.
[1] Acte 8204, registre foncier du Québec, district de Lévis
[2] Contrat notarié No 2017 devant Jean Baptiste Couillard, 1er juin 1832
[3] Acte 8205, registre foncier du Québec, district de Lévis
[4] Acte 8389, registre foncier du Québec, district Lévis.
[5] Acte 8765, registre foncier du Québec, district Lévis
[6] Acte 9278, registre foncier du Québec, district Lévis ; acte notarié 2987 Notaire F M Guay, père
[7] Acte 9732, registre foncier du Québec, district Lévis
[8] Acte 10 260, Registre foncier du Québec, district de Lévis.
[9] Dans le testament de Charles rédigé en 1907, il lègue la moitié ouest du terrain à Octave et l’autre à Édouard Samson, et indique que la grange couvre en partie le terrain Ouest.
[10] Recensements de 1881 et 1891
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